L'impensable est arrivé... mais de nombreux experts l'avaient prévu

Publié le par Chaffards

 

Il y a peut-être deux façons de recevoir les événements du Japon :

- Après un tremblement de terre qu'elle savait probable, la troisième puissance mondiale se retrouvre...à terre

- Comme il avait été dit dans plusieurs rapports et livres parus, certaines centrales nucléaires japonaises étaient trop vétustes et pas adaptées pour le type de risque qui planaient sur elle.

 

Dans le premier cas, la vraie rupture. Le choc qui peut soit figer la réflexion et entrainer une espèce de fascination pour les images (type 11 Sept), soit au contraire un éveil de la pensée qui sort de la routine et se met à reconsidérer la modernité, la puissance technologique, le sens du progrès, le lien entre les humains, l'interdépendance, la fragilité... Pas forcément remettre tout en question, met au moins remettre sur l'établi pour réétudier. La coupure comme expérimentation à grande échelle. Ce qui se déroule est une expérience pure sur laquelle la pensée devra se baser pour réétudier le réel, pour le redécouvrir.

De l'autre, l'insertion immédiate du choc dans le ronronnement quotidien : "C'est juste que l'on avait pas fait suffisamment attention", "Les risques n'ont pas bien été étudié", "Quelques négligences, un peu de manque de moyen, et le drame... Comme d'hab en fait", "C'est juste un événement dramatique dont il faut tirer les conséquences pour les projets nucléaires et autre à l'avenir"

 

Je vous fournis à nouveau ce (sublime) extrait d'un cours de F. Guattari :

“La politique de la télévision par exemple. On voit que n’importe quel événement vrai doit être masqué par ce que Borstyn appelle le pseudo-événement. Les pseudo-événements ont comme caractéristiques de toujours être rassurants, de toujours permettre à ce que l’on se retrouve dans ses propres coordonnées. N’importe quelle rupture brusque dans l’Histoire, par exemple si demain vous appreniez que les Black Panthers ont pris le pouvoir à la Maison Blanche, alors, bien que ce soit hautement improbable, vous trouveriez forcément à la télévision, une façon de présenter les choses vous disant : “Mais, en fait, ça ne nous étonne pas tout à fait parce que déjà, depuis un certain temps, on savait que... à la suite de...” Ainsi, dans ce qui serait une information, une coupure considérable, une introduction de compléxité très grande dans la nation américaine et dans le monde, on réintroduirait des systèmes redondants, de toutes façon, parce que l’on considèrerait que ce n’est pas possible d’annoncer une nouvelle comme ça.

En union soviétique, c’est la même chose, quand il y a quelque chose qui ne va pas, ou quand il y a un limogeage, où en Chine, si on apprend que le numéro un du parti communiste s’avère être un agent de l’étranger depuis 50 ans, on n’annonce pas ça comme ça. On introduit des systèmes redondants. On laisse courir le bruit, on fait une fuite. Alors, au moment où les fuites ont préparé l’opinion, lorsqu’elles ont déjà encodées dans les récepteurs à venir cette information, alors on peut la lâcher parce qu’elle a perdu tout son caractère d’information de coupure. Ainsi on perd complètement toute possibilité de compréhension d’une rupture vraie.

        Si le désir est une rupture vraie, si la révolution est une rupture vraie, si l’art ou la science sont des ruptures vraies, il est évident qu’à chaque fois que l’on fait recours à des systèmes redondants, à des systèmes d’images, à des systèmes de signification, on introduit toujours des systèmes d’anti-production dans tous ces registres, du désir, de l’art, de la science.

        Le problème est, pour moi, de distinguer complètement, radicalement, la politique de signification, de la politique que j’appelerais d’expression ou d’expérimentation.” FG, séminaire de 1973

 

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