Bonheur, intensité, Grâce

Publié le par Chaffards

 

Il est difficile d'échapper à l'idée de bonheur comme repère pour diriger sa vie.

Avantage : il semble accessible au plus grand nombre (Lorsque le pb de la survie est réglé)

Pourtant il comporte de nombreux inconvénients. J'en donne trois.

- J'ai par exemple rencontré des gens qui semblent prisonniers de ce concept. Ils n'ont pas assez de clairvoyance pour voir la complexité du monde (mais qui l'a ?) et leur recette pour être objectivement heureux est donc simple et courte. Pourtant de petites voix intérieures leurs disent qu'il manque des choses, la frustration passé laisse sa place au vide présent. Il s'opère alors chez eux une refondation du concept de bonheur, une humilité qui ressemble fort à une limitation. "Il ne faut pas être trop exigeant. Je suis dans le bonheur, mais il y a aussi des mauvais moments dans le bonheur", ou bien "mon bonheur, c'est surtout d'échapper au malheur".

- Il y a une espèce d'image sociale du bonheur qui vient polluer la vision personnelle même chez les plus contestataires.

- Il y a un caractère mortifère au bonheur (il n'existe que lorsqu'il est déjà mort). Il est plus facile de voir le bonheur lorsqu'il est passé. Le souvenir exerce en permanence de vastes OPA sur le bonheur. Il nous arrive ainsi d'abandonner la lutte pour le présent, dans le présent, pour miser sur l'espérance d'un futur-bon-souvenir.

 

Une autre manière d'attaquer la question et de redonner de la puissance au présent, c'est de comparer "bonheur" et "amour" avec le principe : "On ne peut pas en parler, mais quand ça t'arrive, tu le sais." Donc je ne suis pas totalement heureux lorsque je ne suis pas débordé, en conscience et en sensations, par quelque chose de fabuleux, d'une grande intensité, et que je ne maîtrise pas.

Le terme magique serait alors plutôt "intensité" que "bonheur". Il faut chercher le moment intense. Le présent est peut-être alors sauvé. Si on pousse l'intensité un peu loin (au hasard : Trip Champi), on évacue même radicalement le rôle du futur-passé, car on aura oublié. Le présent a pris toute la place.

 

Vivre l'instant présent, vivre totalement là, maintenant, c'est aussi voir le présent, à la limite voir le monde et le temps. Une tranche de temps qui nous traverse. Le monde, et nous plongé dedans. A ce point, "vivre" et "voir" peuvent se rejoindre. Nous vivons parce que nous voyons intensément les choses, la vie, le reflet du soleil couchant sur le visage souriant, la douceur de l'eau, le sentiment profond d'un proche, la sérénité éphémère de celui qui est en permanence sur ses gardes...

Voir et vivre. Vivre la vision. Voir la vie en marche.

La grâce opère peut-être ce mariage du regard pénétrant le coeur des choses, au point que l'on vit avec elles, en phase. Une communion de l'Etre avec le monde qui fait se confondre "sensation" et "action". Agir avec grâce, transcender. "J'ai touché la perfection" dit la Nina de Black Swan

Je vois le monde ("Je vois Dieu", pour reprendre le sens originelle de "Grâce").

Je suis le monde ("je sens Dieu en moi").

 

PS : Pour d'autres textes sur Black Swan :

http://1000plateaux.over-blog.com/article-ni-blanc-ni-noir-ni-gris-mais-carrele-bariole-une-micro-mosaique-une-pixellisation-le-plus-sombre-to-80996294.html

http://1000plateaux.over-blog.com/article-ce-qui-arrive-a-quelqu-un-vs-ce-que-vit-quelqu-un-hors-la-vie-contre-black-swann-80995881.html

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