Feu-Mulholland Drive

Publié le par Chaffards



Qu’est-ce que la réalité ? T1





Lynch n’est pas simplement quelqu’un qui a digéré tout Hitchcock. Il a également réussi à réaliser un film qui représente l’aboutissement de 100 ans de fabrication (pour éviter le terme « production ») cinématographique. « Mulholland Drive » est un véritable corps platonicien du cinéma (Polyèdres réguliers. Exemple : le cube, l’icosaèdre, etc.). Chaque intonation (« There is no way ! There is no way ! »), chaque regard, chaque vêtement, objet, configuration des meubles, flottement de la caméra, mots, minutage des séquences, ombre, souffle, est là où il faut, quand il faut. Ce n’est pas un puzzle, c’est une chaîne en trois D, un filet, un réseau formé de nœuds de toutes tailles, constitué de protubérances et de radicelles : Un rhizome. Touchez une infime partie et tout entre en mouvement.


    Les deux Idées de départ (« Que se passe-t-il dans la tête de quelqu’un, en temps réel ? », c’est-à-dire pendant les deux heures du film), simples et banales, sont, étrangement, plutôt rarement utilisées au cinéma : pour la réalité subjective, citons l’admirable « festin nu » de Cronenberg, pour le temps réel, les exemples sont plus nombreux (en commençant par les westerns : le train sifflera trois fois, 3h10 pour Yuma, jusqu’à une série récente qui fait abusivement parler d’elle.
Pourtant « Que voyons-nous du monde ? » est tout de même plus intéressant pour un humain que « Que voit une caméra, du monde ? ». Or c’est pourtant à cette dernière question que répondent 99 % des films que l’on voit… C’est un peu comme si on se mettait les doigts dans une prise électrique dans le but de se nourrir, ou comme si on se mettait à vivre dans des maisons à angles droit alors que rien dans notre organisme n’est orthogonal mais…Ah oui ! C’est vrai ! C’est pourtant bien le cas…Bon, ce sera le sujet d’un prochain débat.

Ainsi « Mulholland Drive » pourrait être titré : « 2 heures de la vie d’une femme qui vient juste de faire assassiner son amante ». Avec un postulat de départ : Le film est en deux parties : Partie Rêve d’abord puis partie pseudo-réalité, disons plutôt souvenirs, c’est-à-dire quasiment : rêve éveillé.
Autrement dit, il n’y a rien que le spectateur voit et qui ne soit ce que Diane-Betty voit ou ressent…On peut aussi donner ce second énoncé :
« Ce qui se passe dans la tête d’une femme durant la journée qui suit le meurtre, commandité par elle-même, de son amante. »





Il faut bien se rendre compte de ce que veut dire la dernière assertion : C’est la narration « totale » (pour plagier M.B. Kacem). Durant tout le temps que dure la projection, nous ne quittons jamais un personnage qui s’appelle Diane. On la suit dans son souvenir du concours de Rock qu’elle gagne, puis lorsque, bouleversée par le bilan catastrophique de son « aventure hollywoodienne », elle va se coucher (peut-être est-ce la fin d’un shoote ?). On suit son rêve, ses souvenirs, son café qui se fait…Le temps du film est son temps subjectif (cf. la rapidité avec laquelle le café est prêt, par exemple).
Mehdi Belhaj Kacem compare cette méthode narrative à James Joyce (…que votre obligé n’a jamais lu)


    L’objectif (cf. « Interactif ») du texte qui vous êtes en train de lire est de mettre à plat tout ce que nous avons pu voir (non sans aide) dans ce film. La question qui se pose à nous est : Comment organiser tout ça ?
    Nous proposons de commencer par faire un rappel de la trame du film, incluant quelques commentaires interprétatifs, pour ensuite revenir sur certaines idées, sur certaines séquences et enfin transcender tout ça en mettant en avant de grandes questions philosophiques. Ainsi, ce sera un peu comme si nous tentions de reconstituer en pâte à modeler, dans le noir et avec des moufles, la Cathédrale Notre-Dame ou La Mosquée Sülemaniye.

Voilà donc un petit synopsis du film, pour mieux l’étudier. Nous y donnons juste des infos de base sur les différentes séquences ainsi que les premières remarques. Si vous le trouvez trop froid, vous pouvez passer directement à la quatorzième page.



        Ce qui se passe juste avant le film :

Diane (La Blonde) vient de trouver (à l’endroit indiqué par le blond-tueur à gages) une clé bleue. Ou bien, l’a-t-elle trouvée il y a longtemps…Et depuis, elle reste cloîtrée chez elle.
Cette clé lui donne la preuve que son amie (Camilla Rhodes, la brune) a bien été assassinée, comme Diane en avait chargé le tueur.
Elle ramène l’objet à sa maison (Appartement 17 alias, la « maison des nains » où ensuite les deux femmes retrouverons le cadavre), pose la clé sur sa table basse du salon.
Hypothèse : Elle prend une dose d’héroïne (Ce qui expliquerait que son rêve soit si heureux)
Elle se met alors à repenser à sa vie, et en particulier à ce qui lui a permis de venir à Los Angeles : Gagnante à un concours de Rock à Deep River dans l’Ontario, sa région d’origine.
Hypothèse : Partant de l’idée qu’en général un rêve ne prend pas la forme découpée du type celle qui nous est présentée au début du film (c’est-à-dire que l’on suit simultanément plusieurs personnages qui ont des histoires distinctes), nous pensons que Diane ne s’endort et ne rêve vraiment qu’à partir du « troisième jour », lorsqu’elle répète son rôle avec Rita-Camilla. A partir de cette séquence, et jusqu’au réveil, on est tout le temps avec Diane-Betty. Un rêve est délirant, incohérent, parfois flou, souvent impossible, mais il semble qu’il soit toujours continu. « Lui il était là à ce moment, mais je ne sais plus quand il est arrivé » ou « Je me trouvais au bord de la mer, je ne sais pas comment j’y suis parvenu. » La rupture, la coupure, le passage est oublié. Tout semble fluide et continu, et pourtant très changeant, voir renversant. Le rêve est un continuum-délirant, à l’image d’un ciel nuageux.
Partant de cette hypothèse, on peut étudier les différences entre le délire éveillé et le rêve véritable. Betty s’endort lorsque l’on s’enfonce dans la nuit du deuxième jour (Adam va voir le Cow-Boy et Louise-la-voyante frappe à la porte de chez Betty-Rita-Tante Ruth).
C’est seulement à partir de là que Coco devient désagréable et autoritaire.



            Le film commence :

        Nous voyons des images de son souvenir : Le concours de Rock. Les danseurs sont habillés plutôt années 60. Diane monte sur le podium, suréclairée par un projecteur, entourée de ses parents qui sont très fiers de leur fille.

        Retour au « réel » : Diane va se coucher (gros plan sur l’oreiller…C’est bien dans sa tête que nous sommes)
        Il semble qu’il fasse jour. La couleur des draps est rouge-rose. Un rose plus marqué apparaît plusieurs fois dans le film (tenue de Diane à son arrivée à Los Angeles et tenue de Adam tachée)

        Elle se met à rêver (sans forcément dormir)
        Premier jour : Soir

Le début ressemble à un enterrement : Une longue voiture noire dans la nuit…
Il y a un conducteur et un passager à la place « du mort » qui tourne la tête.
La brune habillée en noir. Tentative d’assassinat puis accident (« …de voiture » et « …par rapport au cours des choses »). Un des deux hommes debouts sur les voitures qui foncent ressemble à celui que tue le blond dans son bureau. Juste avant le choc, le visage de Rita est vivement éclairé par la blancheur des phares de la voiture qui arrive en face.
C’est le choc, la rencontre, entre le noir luxueux, ce qui est un peu dans l’ombre, toujours un peu caché, l’acteur soumis à tout un jeu de lumières qui créé un mystère autour de lui, qui laisse toujours des parties non-éclairées et le blanc, le pâle, la voiture anodine, ce qui est en pleine lumière, le spectateur dans sa réalité brute, comme la peau sous la lumière des néons.
Pour sortir de la voiture, Lynch disait à son actrice de se mouvoir comme une « broken doll »…En fait, pendant toute la première partie du film, elle sera comme une poupée cassée, la poupée de Diane-Betty.
    Fuite de Camilla. Retour vers le « bas », vers le peuple, vers la ville…Qui est néanmoins toute illuminée, comme les flashes des groupies.
    En fait, elle semble arriver dans une sorte de petit paradis, confortable et sûre. Il ne fait pas froid, on peut se promener épaules nues en pleine nuit. Des policiers veilles sans venir déranger les passants. Des passants qui d’ailleurs ont l’air très heureux. Il y a de l’espace et on peut dormir dans un coin sans être inquiété…On peut même entrer dans de beaux appartements et prendre une douche…
    Elle s’endort (en position fœtale ?) sur un pas de porte.

    Séquence des flics sur l’accident. Il y a déjà un blond et un brun. Le blond ne donne que des informations que le brun connaît déjà (« ils me l’on dit », « C’est ce que je pense », « Oui, peut-être que quelqu’un manque. »). Extrêmement statique mais colorée par les gyrophares et le rouge rutilant du camion de pompier. « Someone is missing maybe »
    Est-ce un avant goût du décalage entre Diane la blonde qui subit et Camilla la brune qui maitrise le jeu et l’information (cf page 20).


        Deuxième jour : matin

  Camilla-Rita entre dans l’appartement de la tante de Betty.
        Deux remarques : une des valises de la tante semble si lourde que l’on pense à un cercueil. La brune semble transparente car la tante regarde dans sa direction sans la voir.
    Est-ce l’arrivée au paradis ou le retour au stade quasi prénatal. La cour de la tante Ruth serait un vagin (la grille noire…L’entrée) et l’appartement l’utérus dans lequel…Tout baigne ! On est (presque) tranquille.


    Séquence dans le Winkies où un jeune homme raconte à son ami, ou/et son psychanalyste, un cauchemar (fait à deux reprises) d’un homme tellement terrible qu’on peut ressentir sa présence à travers les murs.
        Commentaire : La peur (plutôt l’angoisse) nous envahit alors que nous sommes dans un restaurant fréquenté, en plein jour, c’est-à-dire un des lieux les plus rassurants qui soit (à nouveau l’idée « d’être dans la tête de… » produite par le fait que l’on s’extrait de l’environnement, du décor, pour se trouver dans le crâne de ce jeune homme dont nous ne connaissons pourtant rien…)
        L’explication grossière de la scène est que, lorsque Diane paie le tueur pour exécuter son contrat, elle voit, au comptoir, un homme qui la regarde étrangement. Cet homme qu’elle replacera ensuite dans son rêve, à l’endroit où elle prononce la mort, et à l’endroit où, lui, voit la Mort…Qui n’est pas là mais derrière le mur, comme Camilla qui n’est pas là mais qui sera (dans le rêve, il est vrai) également derrière le mur, aux côtés de Diane téléphonant au commissariat.
        Dernière chose : C’est lorsque le psychanalyste-ami va payer au comptoir que l’  « angoissé » commence à prendre peur…Puis il meurt en voyant le vagabond. Ainsi il y a paiement par un ami puis mort (« Pour se débarrasser de cette sensation horrible »). Tout comme Diane paie et son amie meurt.

        La séquence des coups de téléphones (“The girl is still missing” , “the same” ) reste mystérieuse :
-    Qui est le premier qui téléphone ? Police ? Etat ? Mafia ? Le gérant du club Silencio ? Oui. Il s’agit bien du décor du club silencio.
        Ces dialogues semblent faire suite à ceux des deux flics : « Someone’s missing maybe ».
-    Est-ce Cooki , le gérant du Park Hotel de downtown, qui décroche (« Talk to me ») ? Oui car ce gérant se retrouve ensuite sur la scène du club silencio, habillé en rouge et parlant au micro pour présenter la chanteuse
-    Est-ce Camilla la brune que l’on recherche ? Est-ce Diane Seldwyn qu’ils attendent et recherchent, puisque le téléphone sonne chez elle ? Ou bien cherchent-ils Camilla chez Diane puisqu’ils savent qu’elles se fréquentaient ?
-    Est-ce que Mr Roque (Le Nain) annonce simplement qu’il lui manque une actrice, sans qu’il ne soit question d’aucune disparition ? En fait, il demanderait simplement à la mafia de lui fournir rapidement une actrice, comme cela avait été convenu entre eux.
        
        Arrivée de Betty, gilet rose, à Los Angeles.
        Ses parents dans la « vraie vie » sont ici des gens qu’elle a rencontré dans l’avion. Ils sont malgré tout très heureux…pour leur fille (séquence étrange dans leur voiture de luxe).

        Adresse de la tante : 1612, Hayvenhurst… (« heaven », le paradis. Oserait-on ajouter « heaven hurts » : Le paradis fait mal. Le paradis blesse ).

        Les palmiers

        « Hollywood »

    Arrivée de Betty chez sa tante Ruth. Rencontre avec Coco habillée en noir, très chaleureuse. Elle lui tient la main et le bras.
Betty (qui veut être ”great actress” et “movie star”) et Rita (double miroir et pense à Rita par rapport au film « Gilda ») se découvrent. Rita, le « pur individu », ne portant rien ni sur elle (nue sous la douche) ni dans son esprit (amnésique). Betty va peu à peu la rhabiller (d’abord le manteau de sa propre tante puis avec des habits sur mesure sortis d’on ne sait où). Puis elle va lui retrouver un passé. En fait, Betty va créer un personnage tel qu’elle le souhaite (costume et passé de Camilla pour ensuite fusionner avec elle en lui mettant la perruque. On peut même dire qu’elle lui donne elle-même un nom puisqu’elle dit :  « You’re Rita »). Cette création de toute pièce n’est-ce pas la vie de la vraie Rita Hayworth ?
Le Larousse nous dit : « Grande et très belle quoique bâtie « en force ». Danseuse à douze ans, elle ne trouve des rôles importants qu’après son mariage avec un milliardaire (Est-ce qu’il faut passer par le « premier homme », Adam, pour entrer dans le monde des projecteurs ?)
Bientôt la vierge (de corps et d’esprit) Rita = Eve rencontrera Adam.

Rita évoque les cheveux roux de tante Ruth. Rappelons que Rita Hayworth était rousse, et qu’elle a joué dans un film appelé « la blonde ou la rousse ».
Betty recouvre Rita avec un manteau de sa tante sur lequel est marquée un petit mot : « amuse toi bien. Ta tante qui t’aime ». La tante de Betty lui offre un cadeau : une belle femme nue et sans défense ?

        Les hauts d’immeubles
        
        Séquence dans le bâtiment de la société de production « Ryan Production » : une grosse voiture.
        Pas de commentaire sur cette perfection. Les mots tels qu’ils sont proférés résonnent encore en moi, plusieurs mois après avoir vu le film « This girl is not in my film » « This is not a recommandation » « An open mind » « There is no way » « What’s the photo for ? » « It’s no longer your film ! »

        Le nain écoute la conversation.

        Séquence où Adam fracasse la voiture des frères Castigliani.
        Commentaire : On notera qu’il casse le pare brise, puis le capot, puis le phare. Ce dernier point me faisait penser au côté efficace de cet homme. Faible, impuissant (il est manipulé par ses supérieurs, il est trompé par sa femme) mais efficace : Penser à casser le phare ! Tel un petit bagarreur ayant l’habitude de mettre le bronx rapidement (…Et qui sait qu’un phare c’est chère). On fera la même remarque sur l’idée de mettre les bijoux de sa femme dans la peinture. Est-ce ça que l’on appelle une « petite frappe » ?
        Suggestion : L’Amérique « donne sa chance » à tout le monde. Il suffit d’être efficace, obstiné et de faire de l’esbroufe (tel « Adam le parvenu » à qui la secrétaire dit : « ça ne te ressemble pas d’abandonner le combat » et de « retourner chez toi »). Ses origines modestes réapparaissent d’ailleurs lorsqu’il se réfugie dans le taudis « Park Hotel ». Mais jamais ce type de personnes n’aura le « vrai pouvoir », celui des Mister Roque et des Cow-Boys ! Adam est juste quelqu’un qui veut (et se contentera) d’avoir « a good life » comme il l’admettra lui-même dans l’entretien avec Cow-Boy.

Séquence dans le sanctuaire du nain « Monsieur Roque », chef de la production. On lui annonce le nom de celle que la mafia veut mettre dans le film d’Adam. Mr Roque ordonne d’arrêter le tournage.
Explication : Le nain aurait conclu un marché avec les frères Castigliani, dans lequel il leur a promis de mettre leur actrice dans un des films qu’il finance.


Séquence du blond qui fait un massacre. La caméra « monte » en contre-plongée.
« Celle-là, elle est raide ! Un accident comme celui-là. Qui aurait pu le prévoir ?
-    C’est inimaginable, n’est-ce pas ?
-    Incroyable
-    Alors, mon pote, t’as l’air en forme. Qu’est-ce que tu fais en ce moment ?
-    Oh, deux ou trois chose pour ce gars.
-    Tu t’en sors ?
-    Pas vraiment
-    Je connais. Regarde cette turne. Les temps sont dures.
-    Ce n’est pas si mal. J’espère que tu vas pas te mettre dans des problèmes.
-    C’était rien. Mais l’histoire t’as fait marrer.
Explications :
        1) Le blond et le brun travaillent ensemble pour exécuter des contrats. Le brun, chargé de supprimer Camilla, aurait échoué à cause du « Car accident » et se fait descendre par le blond qui l’avait embauché, comme sous-traitant…Ou bien le « gars » dont ils parlent dans la discussion a engagé le brun pour qu’il tue Camilla. Ce dernier a échoué. Le payeur engage donc le blond pour tuer le brun.
Diane imagine l’histoire du blond suite au livre noir (« l’histoire du monde en numéros de téléphone ») qui se trouve sur la table au moment où ils passent le contrat de mort, ensemble, au Winkies (dans la « réalité-vraie »)
        2) J’ai l’impression que c’est le meurtre de Rita dont rêve diane. La femme qui se fait tirer dans les fesses n’est qu’un double de Rita – Camilla. C’est le sens donné par la touffe de cheveux du brun lorsqu’il est tué. Comme si ces derniers indiquaient la vraie victime ou la vrai cible qui se trouve derrière la cloison, c’est-à-dire la femme brune qui s’occupe d’« Enzymes + Health ».

Betty et Rita commencent leur enquête sur l’origine de Rita, devenue amnésique.
Son sac contient argent et clé bleue triangulaire.

Le blond, dans la rue, demande si on n’a pas retrouvé une Brune amochée.
Explication : Il serait donc à la recherche de la brune dont le « contrat » n’a pas été correctement exécuté…A cause de l’accident.
Dans le film, on peut penser que toutes les blondes sont des « possibles » de Diane. Elle aurait pu devenir serveuse (comme la serveuse Diane du rêve et Betty de la réalité) ou la femme de Adam, ou une prostituée. La déchéance pourrait continuer. Et d’ailleurs les femmes comme celle de Adam, on les « jette » avec beaucoup de facilité…Comme des prostituées. (« I keep the pool and she keep the pool man » dit Adam triomphant !)

Adam rentre chez lui (« Cela ne te ressemble pas », lui dit sa secrétaire)

Palmiers

Betty demande à Rita : « Je me demande où tu allais lorsque tu as eu ton accident. ». Rita lui répond : « Mulholland Drive, c’est là que j’allais » Question : Est-ce une destination ou est-ce une route ? La fin, les moyens…A ne pas oublier

Adam Kesher, le metteur en scène, est viré et découvre sa femme au lit avec le laveur de piscines (un des fauteuils de la piscine est rose). Il est mis hors de chez lui, tout taché de rose (même couleur que le gilet de Betty). Durant toute la séquence, il ne dit pas un mot (sauf appeler sa femme au début)
Commentaire sur le rose : On pourrait penser que c’est la trace de l’origine modeste. Celle de Betty arrivant de l’Ontario (pour ensuite s’habiller comme Kim Novak) puis de Adam dont la chute fait réapparaître son milieu d’origine. Plus Diane monte et s’habille bien, plus Adam descend et se « rosifi ».


Rita (qui a des habits sortie d’où ?) et Betty, cachent l’argent et la clé. Rita, assise dans le Winkies à l’endroit où Betty a engagée le tueur pour l’éliminer elle-même, se souvient du nom « Diane Selwyn» en voyant le badge d’une serveuse appelée Diane.
Elles appellent au numéro en question…C’est-à-dire chez Diane, (c’est-à-dire chez Betty…Et oui, il faut suivre !). Betty dit à Camilla « Etrange de se téléphoner à soi-même ».

Un homme de la mafia entre chez Adam


Deuxième jour : le soir

Adam finit dans un hôtel sordide (Park Hotel, chambre 16), ruiné ou pseudo ruiné : « I’m not broke » - « Yes, I know, but you’re broke » (« Je ne suis pas ruiné » dit-il à son amie. « Je sais » lui répond-elle, « mais tu es ruiné ». Quel est le sens caché ?). Il y a une vierge derrière Adam.

Une voyante frappe à la porte de chez Betty.
« I’m Ruth’s niece. My name is Betty » lui dit Betty, « No, you’re not » lui rétorque-t-elle. Puis elle ajoute : « Someone is in Trouble. »

Adam va voir le « cow-boy ».
Dans tout les films de Lynch il y a des lampes qui clignotent de manière désordonnée avant de s’éteindre ou de s’allumer (à commencer par « Eraserhead »). Je n’en est pas compris la signification.

Commentaires sur le dialogue :
Nous complétons ici ce que nous avons déjà dit sur la personnalité de Adam et le fait qu’il y ait deux types de Pouvoir…Et plus exactement un « vrai » et un « faux ».
Adam, muni de Porsche, piscine et nombreuses cannes de golf, fait évidemment parti de ceux qui n’ont qu’un pouvoir fictif. Son dialogue avec Cow-Boy est en fait un « passage d’oral » pour lui. Il répète bien gentiment (rapidement et sans broncher) la phrase que le monsieur lui a demandé. S’il réussi, il aura droit à une image…projetée (…C’est-à-dire un film !). Nous avons donc un personnage réactif (phare, bijoux, phrase répétée avec exactitude). Un homme « de terrain » qui semble manquer d’une certaine vue d’ensemble de la situation. Mais ça, bien sûr, il ne le sait pas. Car lorsque le cow-boy aborde le sujet de la façon la plus claire qui soit, Adam « brise là » le fil de la conversation.
Attardons-nous sur la fameuse phrase qu’Adam répète comme un premier de la classe : « L’attitude d’un homme donne une bonne image de ce dont sa vie sera faîte. ». Pas de quoi casser des briques ! Adam dit être d’accord avec le sens de la phrase. Mais que rajoute le Cow-boy ? « Alors, si tu es d’accord, tu es quelqu’un qui ne doit pas être intéressé par la « good life » ».
Là Adam reste interloqué. Littéralement, il ne peut plus réfléchir, tous les circuits sont bloqués. Il sourit en « étant trop occupé à faire le malin, le smart », lui dit le Cow-Boy. Ce dernier lui redonne une chance. « Je te demande de vraiment réfléchir ». Mais c’est  réellement impossible pour ce pauvre Adam. Son incapacité à concevoir ce qui lui est dit n’a d’égal que son efficacité dans certaines situations un peu difficiles.
Donc le plafond intellectuel de Adam a été atteint. Il a « perdu la face ». Le Cow-Boy n’a plus qu’à dicter les ordres qui seront d’ailleurs suivis à la lettre. Celui que l’on aurait cru voir faire la pluie et le beau temps à Hollywood n’est plus qu’un chien obéissant.

Pourtant le raisonnement du Cow-Boy n’était pas d’une profonde subtilité (Bien que nous ayons mis un an et demi à le comprendre).
Reprenons : Si Adam est d’accord avec le fait que la vie d’un homme est le reflet de son attitude au quotidien, alors Adam ne devrait pas être intéressé par la « good life ». Autrement dit : Si Adam continue à avoir l’attitude qu’il a adopté durant cette journée, il va dire adieu à Porsche, jardinier et cuisine high-tech.
Tout à fait basique…Mais nous avons envie d’y ajouter quelque chose et revenir ainsi sur les « deux pouvoirs ». Peut-être que Adam se bloque pour une raison qui n’est pas simplement dû à son manque de clairvoyance. Peut-être que dans son esprit il y a deux types de gens : Ceux qui décident et ceux pour lesquels on décide. Lui fait parti de la première catégorie. Et son coup de gueule n’est qu’un accrochage entre partenaires de la même catégorie, comme il en a déjà eu des tas. Et c’est sans doute ses « coups de sang » qui l’on fait remarquer et parvenir à son poste.
Avec l’épisode des frères Castigliani, il s’aperçoit que quelque chose de grave s’est passé pour lui. Mais il reste dans une certaine incompréhension. Qu’elle est la limite qui a été franchi ? Qu’est-ce qui différencie cette limite des autres, celles qu’il a pulvérisées pour parvenir à cette « Dreamplace » aussi rapidement. Eh bien cette limite, nous l’avons dit, c’est celle du Vrai Pouvoir. Et si on veut la franchir, alors on ne fait plus parti de ceux qui veulent la « good life ». On fait parti de ceux qui veulent le Pouvoir comme fin, et pas le pouvoir pour rouler en Porsche et embrasser les actrices sur le plateau.
Conclusion : Il y a deux sortes de gens qui refusent la good life : Ceux qui refusent de se battre pour monter l’échelle sociale…Et ceux qui se battent tellement qu’ils sortent de la good life pour entrer dans le « stress » du Pouvoir. Ceci  répond en parti à une de mes interrogations : « Pourquoi les présidents et ministres se battent tant pour être où ils sont alors qu’ils sont critiqués, molestés et qu’ils doivent répondre devant les caméras de tous les maux de la France (« Raffarin est-il intelligent ?» titre Marianne au mois d’Août). Eh bien ces gens-là font parti de ceux qui ont transcendé la recherche de la simple « good life » pour autre chose…Qui, de loin, peu parfois sembler bien peu confortable.
Remarque perso : Et je pense que ni dans le faux pouvoir-good life, ni dans le vrai, on n’est dans cet état mythique où l’on ferait ce que l’on veut (pour des raisons différentes).

On reprend le cours du film : « Si vous êtes gentil, vous me reverrez une fois. » « If you do bad, you’ll see me twice » Or le spectateur (nous) le reverra deux fois.
Remarque : Etre gentil : « do good ». Celui qui veut la good life doit faire good. On remarque également le changement de ton. Il parle à un petit garçon qui doit être discipliné. On est loin du temps où il le remerciait de s’être déplacé en pleine nuit pour le rencontrer.

« Hollywood »
Commentaire : Une marque, après cette scène. Comme si on était dans une publicité. On voit une scène et à la fin, on vous montre quelle est la marque qui est à l’origine de la scène (la lessive qui permet au fils d’aller jouer au base-ball avec son tee-shirt déjà propre…). Donc, la séquence d’apprivoisement d’un réalisateur à laquelle vous venez d’assister, c’est signé : Hollywood ! (…ça se passe comme ça chez…).
Le premier plan sur « Hollywood », c’était juste après l’arrivée de Betty à l’Aéroport.
Conclusion : Hollywood c’est : les jeunes filles qui débarquent la tête pleine de rêves et des « remise à leur place » des petits réalisateurs un peu trop « teigneux ».

Troisième jour : matin

Betty est en peignoir rose (lorsqu’elle se réveillera, de retour dans la vraie vie, elle porte un peignoir blanc-sale) et son visage ressemble étrangement à la Diane de la seconde partie. Elle répète l’audition avec Camilla.
A la fin de la répétition, Rita la félicite. Betty lui répond « Thank-you darling ». En mimant Rita Hayworth dans Gilda (affiche de la salle de bain suggérant son prénom à la Brune).

Madame Lenoix, alias Coco, habillée avec la robe rouge et noir qu’elle portera lors de la soirée chez son fils Adam Kesher, dans la vraie vie, vient reprocher à Betty ses cachotteries au sujet de Rita (Une réaction de jalousie de la part de cette femme qui tiendra la main de Diane…dans la vraie vie ?). Rita aussi est en rouge et noir.
Après s’être fait disputer par la Madame, Betty aura un rire de petite ado excitée pour rassurer Camilla : « And my audition is in one hour…hi hi hi ! ! ». Puis, toujours dans la même idée : « Ne bois pas tout le coca pendant mon absence. »


Troisième jour : début d’après-midi

L’entrée des studios ressemble encore à l’Heaven. Son nom : Betty Elms ; Wally Brown est le producteur, Woody Katz joue Chuck, Bob brooker, le réalisateur, Elle passe son audition et pour réussir, n’hésite pas à rouler des pelles et à se faire peloter par un vieux beau sous les applaudissements des « professionnels du cinéma ».
Bob brooker : « The two of them, with themselves. So, don’t play too real until it gets real”
Elle rencontre une pro des castings Lynney James, qui fait penser à sa tante (qui travaille aussi dans les castings…). Est-ce pour Betty un symbole de la réussite ?
Rencontre avec Adam Kesher (qui la remarque, derrière lui, malgré son casque sur les oreilles)

Carol est auditionnée pour « L’histoire de Sylvia North ». Adam profère le fameux « This is the girl » lors de l’audition de Camilla (du rêve). A quelle époque sommes-nous ? Celle de la tante de Diane ?
Petite digression au sujet du pouvoir : il y a décidément beaucoup de gens autour de ceux qui font vraiment quelque chose (je veux dire le réalisateur et les acteurs). Dans les films américains « de base », il y a, en générale, très peu de gens autour des principaux acteurs et des personnages secondaires (Les blockburster’s producteurs ne voudraient surtout pas trop fatiguer nos quelques neurones). En fait, il n’y a rien entre le statut de personnage secondaire (le second du méchant, le traître des gentils, une rencontre pendant l’aventure, etc.) et les simples figurants (style les trente mille du seigneur des anneaux). J’entends par là des gens qui disent seulement une phrase ou deux pendant le film.  Dans les trois « Parrain », il y a peu de gens que l’on revoit régulièrement derrière les principaux, dans les trois « Star Wars », il n’y a qu’un personnage (le pilote rebelle Wedge) disons « tertiaire » que l’on retrouve régulièrement. En fait, les personnages principaux ont peu d’interlocuteurs.
Mulholland Drive montre inversement un Hollywood fourmillant de personnages « tertiaires », intervenant juste assez pour montrer qu’ils font partie de la machine. Exemple, autour d’Adam, il y a : Les trois hommes que l’on voit autour de la table lors de « l’entretien » avec les mafieux, puis Jason et celui qui est derrière Jason (a priori le Dick Laurent de « Lost Highway »). Aucun d’entre eux n’est figurant. Chacun dit entre une et quatre phrases en tout. Ils font partie du monde d’Hollywood, on notera qu’ils se ressemblent un peu, ils faut les regarder avec un peu d’attention pour voir qu’ils sont tous distincts. Comme dans le « Château » de Kafka : « ils » sont nombreux, « ils » ne sont pas là que pour décorer, « ils » se ressemblent, « ils » sont proches ou font partie du cercle des décideurs.
Dernières remarque sur le sujet : Pour la phrase magique, Adam a besoin de deux intermédiaires : Il dit à son assistant Hank d’appeler Jason. Or Hank appelle Cindy, et lui demande de dire à Jason de venir. Enfin, ce que Adam dit à Jason s’adresse en fait au mafieux qui était resté dans l’ombre et qui lui répond : « Excellent choice Adam ».

Palmiers


Fin d’après-midi

Betty et Rita vont chez Diane Selwyn (Numéro 2590)
Elles prennent peur face à des hommes en noir à lunettes fumées.
Ce sont en fait les accompagnateurs et porteurs de valise d’une femme rousse (la troisième). Sont-ce des croque-morts ?

Les deux femmes frappent au 12 et tombent sur une dame très peu sympathique qui regarde Rita de haut en bas.
Betty est habillée en gris, comme dans « Vertigo ». Ces deux femmes semblent visiter un cimetière et chercher une tombe (qu’elle trouveront, compte tenu du fait que le cadavre est déjà en décomposition, c’est-à-dire qu’il devrait déjà être sous terre), comme le cimetière de Vertigo. Dans Vertigo, Kim Novak va sur la tombe d’une femme qui est morte et dont elle pense (fait croire qu’elle pense) être la réincarnation. Betty voudrait être la réincarnation de Diane, comme la Kim Novak riche voudrait finalement être la réincarnation de la vendeuse venue de province qui habite un hôtel miteux aux lumières verdâtres, rappelant le Park Hotel où se réfugie Adam (de Mulholland Drive).
Rita est habillée en rouge et noir (comme la robe de Coco)
En fait, Diane Selwyn (absente depuis trois semaines au dire de sa voisine) habite au 17.
Remarque : La voisine paraît très désagréable et « pot de colle » (« I go with you »). Peut-être parce que cette femme est amoureuse de Diane qui ne parvient pas à s’en débarrasser…Dans la vraie vie.
La porte est fermée mais Betty et Rita entrent par une fenêtre et découvrent un cadavre en décomposition, sur le lit. Il s’agit de Betty-Diane mais les deux femmes ne semblent pas la reconnaître. Pendant ce temps, la voisine frappe à la porte (comme lorsque Diane se réveillera. En fait la voisine, ou les inspecteurs de police, doivent être réellement en train de frapper à la porte alors que Diane continue son rêve et y insère les bruits réels qu’elle entend). Rita est très choquée et crie.
Betty ne dit rien mais tient Rita comme si elle voulait bien lui montrer le cadavre. Rappelons que tout au long de leur visite, c’est Betty qui a franchi les obstacles (frapper au 12, frapper au 17, entrer par la fenêtre…). En fait, Betty-Diane voulait « mettre le nez de Rita-Camilla sur son propre cadavre », comme pour lui dire : « Voilà ce que tu m’as fait. Voilà à quoi tu m’as réduit. Une suicidée tellement seule que personne ne découvrira son cadavre. »
Mais il y a un deuxième niveau : ce n’est pas simplement : « Regarde ce que tu m’a fait » mais « Regarde la raison pour laquelle j’ai dû faire ce que j’ai fait ». Fait quoi ? « Engager quelqu’un pour te tuer. ». Diane-Betty écrasée par le culpabilité, vient montrer à sa victime qu’elle est elle-même une victime.
Les deux femmes sortent de l’appartement en courant avec un effet qui donne l’impression : soit qu’il y a une troisième personne, soit que ce sont des ectoplasmes (tout le monde a lu Tintin), soit qu’elles ne forment plus qu’une personne, qu’elles ont « fusionnée ».
Idée du vampire

Jusqu’au réveil, plusieurs faits indiquent une idée de fusion :
    - Elles sont toutes les deux blondes «Tu ressemble à quelqu’un d’autre » lui dit la blonde. On découvre la blondeur de Rita dans un miroir, au côté de Diane, comme si la blonde était seule à ce regarder.
    - Elles font l’amour. Betty dit à Rita : « I’m in love with you »…Ne voudrait-elle pas lui dire plutôt : « I want to be you »
    - Lors de leur sortie nocturne. Betty est en noir (bas) et rouge (le haut), Rita est toute en noir. A elles deux, elles sont en noir et rouge comme l’était Rita auparavant…
  - Durant tous le temps où Rita porte la perruque blonde, les deux femmes n’échangent quasiment aucune parole (Notamment, entre le moment où elles sortent prendre un taxi pour le club silencio et celui où elles retournent chez Tante Ruth, elles ne parlent jamais entre elles (et adoptent les mêmes attitudes, les mêmes regards intrigués ou angoissés, les mêmes larmes). Rita ne se remet à parler que lorsque Betty a disparue. Cette disparition fait penser au réveil lorsque les gens étaient si proches dans le rêve et deviennent si lointain lors du retour à la réalité (« Mais elle était juste là…Tout près ! »)
    - Enfin, ultime fusion, Betty disparaît comme si elle n’avait jamais été là. Il ne reste plus qu’un seul être, absorbé ensuite par la mort (La clé bleue, la boîte bleue : le Sexe et/ou la Mort ?)

Avant cela, il y a le trop sublime « El Club Silencio »…
Lors de leur entrée dans la boite (la petite ou la grande ?), le mouvement de camera rapide et droit sur le parking rappelle l’acte de pénétration. Mais au bout, il n’y a pas le rouge, mais le bleu. Hors il semble que ce soit la couleur de la mort.
Le rêve se révèle vraiment être un rêve : « All is recorded ». Tout se que vous voyez a été enregistré…Par le cerveau. Le rêve, c’est un remix de la mémoire. « No hay banda ». Il n’y a pas l’être aimé. Il n’y a qu’un sexe rouge comme le rideau…Et du désir. Du « virtuel », de la « remémoration », de « l’imagination ». (Comme l’adolescent, le soir, dans son lit, « roi de l’invisibilité », dans la chanson de Gainsbourg). Il n’y a pas de matière « extérieure ». Le mouvement solitaire de Betty sur son fauteuil rappelle la masturbation. Rien d’autre que soi. Personne d’autre que Betty-Diane. En fait, c’est la fusion inversée par rapport à tout à l’heure.
Alors elle(s ?) pleure en écoutant la chanteuse (contant l’histoire d’une séparation)…En sachant tout ça, on se fait encore avoir : On est surpris de constater que la chanteuse…Ne chantait pas. Comme dans un rêve où, même une fois que l’on a compris que l’on rêvait, le rêve se joue encore de nous. Le passage à la conscience que l’on rêve n’est pas le stade ultime de retour dans la réalité. Il y a une sorte de va-et-vient. Il y a un temps. Petit à petit, les éléments réels viennent envahir le rêve : La Brune disparaît vraiment. Puis l’on atterri enfin. On trouve la boîte, on l’ouvre…Et c’est fini.
Le bleu : On voit dans le club une image que l’on revoit exactement à la fin : le scène, un micro brillant au centre. La couleur bleue, un peu de fumée.
Il y a aussi cette femme au balcon, qui ne dit rien lors de la représentation au club silencio…Mais qui « referme » le film sur le mot « Silencio ».
Le bleu, couleur d’espoir…Serait-il ici symbole de l’apaisement qui accompagne la mort.

La boîte tombe à terre, exactement à l’endroit où la blonde à vu la robe noire de la brune au début du film. En fait La brune disparaît où elle est apparue dans l’esprit de la blonde.
La tante Ruth, habillée comme le jour de son départ, intriguée par le bruit, vient voir.
Il n’y a plus rien sur le tapis
On voit le cadavre de Diane chez elle, sur son lit.
« Hey ! Pretty girl. Time to wake-up » dit Le cow-boy
Diane est sur son lit.
Des coups sont frappés à la porte.

Deuxième séquence « réelle » du film…En définissant réelle par : Ce que l’on voit c’est ce verrait quelqu’un qui se trouverait à côté de Diane, ou juste derrière les yeux de Diane. Rappelons que la première séquence réelle était…L’oreiller en gros plan, 2 minutes après le début du film.

Diane se lève (visage de junkie) et va ouvrir la porte.
C’est son ex-colocataire qui a changée d’appartement (?) depuis trois semaines.
Commentaire : Il semble que l’échange d’appartement (entre 12 et 17) rêvé par Diane soit vraiment imaginé. La femme qui vient sonner est peut-être une colocatrice qui ne pouvait plus supporter Diane et son rapport avec Camilla (mais qui était peut-être amoureuse de Diane. La dureté de Diane envers elle serait l’onde de choc de la dureté de Camilla envers Diane). Elle vient reprendre ses affaires, notamment un cendrier en forme de piano, puis s’en va en lui disant que des policiers la cherchent. Notons que cette colocatrice qui s’inquiète pour Diane est beaucoup plus sympa dans la réalité que dans le rêve.
Diane prépare du café. Voit Camilla (ex-Rita)
Camilla se transforme en elle-même (Diane)
Diane s’approche du canapé et se remémore le moment où Camilla lui annonce qu’elle veut arrêter d’être son amante.

Séquence sur un tournage : Betty-Diane à  un visage étrange (maquillage car elle joue dans le film ?)
Rita cherche à embrasser Adam devant Diane (souvenir)

Diane met Camilla à la porte de chez-elle (souvenir)

Diane se masturbe en pleurant (réel)
Le téléphone sonne…Ce qui lui rappelle…

…Camilla appelle Diane pour qu’elle vienne à une soirée chez Adam (il y a un lampe à abat-jour rouge à côté du téléphone.)
En retrouve la séquence de la voiture dans la nuit (vue au début) mais c’est Diane qui est passagère.
La voiture s’arrête
Diane dit le même texte que Rita au début du film
Camilla-Carmilla (vampiresse de Sheridan Le Fanu) vient chercher son amie et lui prend la main.
Arrivée chez Adam
La mère de Adam (Coco en robe rouge et noire fait partie de la soirée)
Betty-Diane raconte sa vie
    Elle est de Deep River, Ontario (comme Betty). Elle débarque donc du Canada (Comme sa tante)
    Elle a gagnée un concours de danse (comme Betty, c’est la raison pour laquelle elle est venue à Los Angeles)
    Puis elle est venue à la comédie
    Sa tante est morte et lui a laissée de l’argent (Qu’est devenu cet argent ?)
    Elle a connue Camilla sur le tournage de « L’histoire de Sylvia North » (film de Adam dans le rêve), réalisé par Bob Brooker (réalisateur avec qui Betty passe une audition).
    « J’était prête à tout pour avoir le premier rôle, mais c’est Camilla qui l’a eu. »
    « le directeur ne m’a pas trouvée très bonne. »
    « C’est là que l’on est devenus amies. Elle m’a aidée à décrocher des rôles. »
    Adam : « So I got the pool, and she got the pool-man. »

    Camilla embrasse la Camilla du rêve.
    Diane voit un des frères Castigliani (joué par le musicien Badalamenti) et le Cow-boy qui apparaît au moment ou la Camilla du rêve disparaît. Est-ce l’ « esprit malfaisant » de Lost Highway qui apparaît ici au moment où Diane est au sommet de sa haine. C’est une sorte de matérialisation, d’incarnation d’un sentiment très fort. On peut dire que ça n’existe pas, que c’est virtuel, imaginé. Evidemment : physiquement parlant, ça n’existe pas. Mais celui qui éprouve cette haine pourra dire à quel point c’est plus réel que la chaise sur laquelle il est assis ou même son voisin de table dont Diane n’a cure. Voilà dans quel cadre nous pouvons dire que Cow-Boy est réel. Comme dans Lost Highway, cet « esprit » va devenir l’ami de Diane et va baisser le caquet à Adam dans le rêve. Il viendra aussi réveiller Diane en lui faisant un compliment (Pretty). Car c’est bien le seul ami qui lui reste…Sa propre haine. Il s’agit d’ailleurs plus d’une résurrection que d’un réveil. Le Cow-Boy habiterait plutôt le royaume des morts (Lorsqu’il parle, Diane est encore un cadavre).
Mais Diane ne pourra pas vivre longtemps avec la haine comme seule compagne. Il aurait fallut qu’elle soit amnésique…Car ces parents qui attendaient beaucoup d’elle, vont finir par la rattraper et la corriger (telle la « petite correction » que Jack Torrance doit donner à son fils, dans Shining).
    Annonce de mariage entre Adam et Camilla

Séquence dans le Winkies :
    Diane est assise en lieu et place du psychanalyste du début
    Le tueur à gages, face à elle, à la place de l’homme effrayé…Or pendant cette scène, l’homme en question est au comptoir.
    Diane montre la photo de Camilla (comme dans le rêve sauf qu’il s’agit cette fois du visage de la Brune-Rita)
    Elle montre son sac avec une liasse de billets (une seule).
    Il lui montre la clé bleue comme preuve que Rita sera bien morte.
« Elle ouvre quoi ? » lui demande Diane


La nuit est tombée

On voit le vagabond de l’arrière cour du Winkies tripotant la boite bleue de laquelle s’échappe les parents de Diane.

Diane est seule chez elle. Elle regarde la clé bleue.
Ses parents viennent la hanter.
Quelqu’un frappe à la porte (les policiers ?)
Hallucination
Elle va sur son lit et se suicide
De la fumée envahie la chambre

Le vagabond
La ville, la nuit, avec Betty et Rita en blonde
Vision du Club Silencio
(Ombres bleues et micro lumineux)
Femme du balcon : « Silencio »







            Bon, on cherche donc ici à mettre en forme ce que l’on a vu dans le film. Or que veut dire décortiquer un film ?
            - Dire de quoi il s’agit ? C’est deux femmes, là. C’est quoi ? Quelle est leur histoire ?…

Ou bien

            - Lynch a fait cette séquence pour montrer ceci et cela (Pas très lynchéen comme démarche, je sais !)
            - Considérer des trucs connus et voir comment ils peuvent être distingué dans le film






    Commençons par l’histoire de Diane (La Vrai ! !)

    Elle gagne un concours de Rock à Deep River, Ontario (Canada)
    Elle décide alors (ou c’est le premier prix) de venir à Hollywood. Là, elle commence à rêver d’être « a Great actrice or a movie star »
    Sa tante, qui est du métier, lui fait avoir quelques entrées dans le milieu. Puis elle meurt et lui laisse de l’argent.
    Diane obtient un audition dans un grand projet de film : « La vie de Sylvia North ». Elle s’y présente peut-être accompagnée de sa tante (qui est Lynney James dans le rêve). Diane est « prête à tout pour obtenir le premier rôle ». Sans doute fera-t-elle beaucoup de choses…(Elle embrasse goulûment celui qui lui donne la réplique dans l’audition de son rêve). Réussir cette audition représenterait l’aboutissement de tous son chemin de Deep River à Broadway Avenue…
    Pourtant cette audition sera un échec. Le réalisateur, Bob broker (Le casseur), ne la trouve pas bonne. Durant l’audition à laquelle nous assistons, il dira : « Play it real until it gets real » : Si on croit en son rêve, il devient réalité ?
La gloire, la scène, le succès…Tout s’arrête sur Bob (prénom chère à Lynch…On se souvient que c’est le côté obscure du père incestueux de Twin Peaks). Après la jeune américaine (« …type » comme dit un inspecteur dans le film ) se heurtant à la violence sexuel du père (de la société ?), c’est maintenant la jeune américaine provinciale se heurtant à la violence (en partie sexuelle) du show-biz hollywoodien.
    Considérons que, psychologiquement, le choc est trop rude pour Diane. Elle ne peut l’encaisser en tant que tel. Pourtant elle est jeune…Mais, avec sa tante dans le métier et son talent de danseuse reconnue dans sa contrée lointaine, elle pensait arriver au sommet assez rapidement…Bon, toujours est-il qu’elle est refusée, mais qu’elle refuse le refus. Il va donc se produire chez elle une chute…en deux temps.
    Il y a d’abord cette audition qui ne marche pas, mais durant laquelle Diane dit qu’elle fit une rencontre : Camilla. Ainsi, tous les rêves de succès de Betty, toute sa petite valise de provinciale voulant se retrouver au sommet de la gloire.. Eh bien tout ça, va se reporter sur les épaules de Camilla…Qui le veut bien, et qui le provoque sans doute. Camilla va être prise dans le rêve de Diane, va agréger toutes les espérances de Diane. « Quoi de pire que d’être pris dans le rêve de quelqu’un » dira Deleuze au sujet des films de Minelli. Diane aura au moins trois sentiments différents pour Camilla, son amante et bienfaitrice: L’amour , l’admiration (pour tout ce que Camilla, cette actrice à succès, représente dorénavant) et la haine (il y a tout de même une grande part de jalousie et d’envie là-dedans).
    Donc, voilà la situation d’une Diane qui va de petits rôles en petits rôles, très amoureuse de Camilla et du monde des stars qu’elle représente et dans lequel elle évolue.
    Mais un jour : « We shouldn’t do this any more » lui dit la vampiresse
    C’est la deuxième chute : Non seulement Diane perd son aimée, mais elle se rend enfin compte que son rêve d’antan est totalement anéanti (depuis Bob broker en fait). Un bouc émissaire-amante (on n’y échappe pas) l’aidera à survivre quelques heures seulement (quelques jours ?) de plus que son ex-amie.


Voilà donc la base.












Un flot de questions vient alors à l’esprit :


-        En quoi les trois sentiments de Diane pour Camilla se voient dans le rêve ?

Diane est vraiment amoureuse de Camilla puisque dans son rêve elle l’imagine ici-rien-que-pour-elle, ne parlant qu’à elle, hors de tout, détachée de tout.

Diane est jalouse de Camilla puisque dans son rêve elle vit ce qui est arrivé à Camilla : La réussite parfaite de l’audition, Le regard d’Adam Kesher pour elle.

Pour l’admiration, c’est plus ambiguë…Mais si Diane veut que Camilla devienne Diane (en la faisant blonde) n’est-ce pas parce qu’elle admire son amie ? Non, peut-être pas…Je laisse tout de même.

-    Camilla a-t-elle réussi par le talent ou par « cooptage » agressif ?

Qu’est-ce qui s’est réellement passé le jour de l’audition et de la rencontre de Camilla et de Diane ?

    Plusieurs scénarios :
Diane a jouée parfaitement bien lors de l’audition. Cependant, le rôle lui a été refusée par le metteur en scène subissant de fortes pressions ?
Diane a mal jouée et a été doublée par une autre (Camilla donc). Elle s’est alors imaginée que les raisons pour lesquelles Camilla a été choisie sont plus mafieuses que liées à une performance d’acteur.
Diane n’a pas été accepté parce qu’elle a refusé d’embrasser ou de coucher avec machin ou truc. Voyant que c’est Camilla qui a obtenu le gros, elle en a déduit que celle-ci avait dû passer par là.



-          Quel est le lien entre Tante Ruth, Lynney James (La « super-castingueuse » que l’on voit lors de l’audition que passe Betty), et Camilla-La brune ?

            D’abord un truc : Pendant toute la durée du rêve de Diane, lorsque l’un des trois personnages citées n’est pas à l’écran, une autre apparaît.
                        Il y a d’abord Camilla avec son accident et sa fuite.
                        Puis se déroule un petit jeu de passe-passe où Camilla semble être transparente pour Tante Ruth. Elle ne sont jamais en même temps sur l’écran.
                        Ensuite Betty et Camilla ne se quittent plus jusqu’à l’audition. A ce moment, Betty quitte Camilla pour…Lynney James.
                        Inversement, Betty quitte précipitamment Lynney James pour retrouver Camilla.
                        Enfin, lorsque Camilla disparaîtra, comme aspirée par la boîte bleue, Tante Ruth réapparaît.


-           Quel est la fonction de « tante Ruth » dans cette histoire ?

            Tante rousse ?
            On pourrait faire une hypothèse sur cette femme dont on ne parvient pas toujours à distinguer ce qu’elle a vécu de ce qu’a vécu Betty (Le concours de Rock style années soixantes, les plateaux de tournages également datés, etc.).
            Cette hypothèse, se serait de dire que Tante Ruth n’a jamais réussi dans le métier comme a pu le croire Diane vu depuis son Ontario profond. Ceci répondrait à la question : « Qu’a fait Diane de l’argent de sa tante ? ». Elle n’a pas réussi. Elle a débarquée du Canada comme Diane mais n’a jamais percé (peut-être a-t-elle juste pu envoyer Diane à quelques auditions grâce à de petites connaissances dans le milieu). Et elle a fini par…Se suicider, comme Diane. En fait c’est juste un cycle, une malédiction : On n’en fini pas de rêver et on n’en fini pas de souffrir de ses rêves déçus. On n’en fini pas de se briser à « La Réalité » qui n’est pourtant qu’un mauvais côté de ce que l’homme peut créer (un centre de pouvoir type centrale d’achat ?). Car la réalité ne se réduit heureusement pas à la dureté, au rapports de forces et à la haine…
            Ainsi le rêve d’Hollywood est un peu comme une maladie contagieuse. Elle survie en partie (comme l’émigration) grâce au fait que ceux qui se sente piégé une fois sur place, en état d’échec, n’ose pas le faire savoir à ceux qui sont rester là-bas. Ils préfèrent rester dans ce statut de star virtuelle (doublement donc), installés dans leur appartement ou hôtels miteux de Downtown. Jusqu’à ce qu’un des leurs décide de faire le voyage pour les voir et alors…Il reste aussi la possibilité de se suicider, de fuir par lassitude devant l’attente d’un miracle qui n’arrive jamais que dans les films justement : Voir « Millionnaire d’un jour » de Frank Capra (un exemple parmi un million).
        Ainsi tante rousse n’est pas retournée au Canada pour un « tournage important », mais elle est toujours restée dans son statut de femme de l’Ontario débarquant à Hollywood et ne parvenant à devenir ni Kim Novak ni Bette Davis. Elle ne décollera jamais vraiment. On peut dire qu’elle ne quittera donc jamais le « Canada » qui lui colle à la peau. Ce que rêve Diane n’est donc pas totalement faux.



-         Pourquoi Camilla semble-t-elle éprouver tant de plaisir à faire souffrir Diane dans la réalité ?

⇒    Rita est habillée en rouge et noir dans le « cimetière », lorsque les deux femmes cherchent Diane.
⇒    Au réveil, le corps de Diane semble vampirisé, vidé de toute substance vivante.
⇒    Puis Betty et Camilla semblent fusionner (une personne mordue se transforme en vampire).

            En fait, il semblait d’abord, avec la perruque, que Camilla devenait Betty, mais c’est bien Betty qui est devenue Camilla (plus d’habits gris mais seulement du rouge et noir) et qui a disparue. C’est le fameux mensonge du vampire qui fait croire à ses victimes qu’elle vont devenir comme lui, aussi puissante, mais en fait ce ne sont que des sous-vampires fragiles et qui disparaissent rapidement.
    Les spectateurs groupies ont tous envie de se fondre dans leur idole qui les vampirise de leur enthousiasme (et de leur argent) en essayant de maintenir cette croyance qu’un jour cette fusion pourra se faire (« In bed with Madonna »,…)



-         Pourquoi Rita dit que lors de son accident, elle allait à Mulholland Drive alors qu’elle se trouvait sur Mulholland Drive ?

            D’ailleurs Betty comprend bien que l’accident s’est déroulé sur Mulholland Drive alors qu’elle demandait à Rita sa destination, et pas le lieu de l’accident.
            Digression : On pourrait dire que le film est l’histoire d’un accident survenu sur, et en allant vers ( !), Mulholland Drive. C’est-à-dire un accident sur la route vers le succès et un accident dû à la violence du monde du succès.
            Monde, route…Alors qu’elle est le rapport entre les deux ? Est-ce la route de la vie ? Ou bien le monde est une route ? Un monde voué au malheur et à la perdition (Lost Highway) ?
            Ma petite famille et moi-même sommes allés, début Septembre dernier, à Antibes-Côte d’azur. Or, lorsque je songe à ce voyage, la première image qui me vient à l’esprit, c’est la route, soleil couchant, direction : la mer. Ainsi je me demandais si, plus fort que les vacances elle-même, ce n’est pas la route des vacances qui apporte le plus d’émotions. Tout le monde sait que la Côte d’Azur n’existe plus. Il n’y a plus que des milliers de kilomètres carrés de non-lieux, de labyrinthes bétonnés ou villa-é. Un véritable mur de la Méditerranée. Il faut vraiment rechercher avec beaucoup d’obstination les quelques mètres carrés qui restent intéressants dans cet océan de laideur. Donc un monde (surface de deux dimensions) réduit à quelques points (zéro dimension). Mais le rêve fonctionne toujours. Les peintures, les vieux films, les souvenirs d’enfance ou racontés par les parents et grands-parents. Tout l’imaginaire qui est là…et porté à bout de bras par les médias et agences de voyages.
            Et quand est-ce que toutes ces émotions remontent le plus à la surface : Lorsque justement on y va. Ce n’est pas là, mais c’est bientôt là. C’est lorsque l’on est sur la ligne Highway seven (une dimension), que l’on est le plus dans une surface (la Côte d’Azur qu’il y a dans la tête de chaque français) et qui nous mène ensuite à des points épars (le petit mètre carrés de sable, la chaise longue sur la terrasse, le rocher, et…C’est tout !). On peut rétorquer que la C
ôte c’est plutôt une ligne qu’une surface…Nous on s’arrête là.
            Pour revenir outre-Atlantique (Outre-Pacifique ?), le but serait donc la route. C’est le chemin vers le succès qui Est le succès. Ce n’est pas d’être dans une soirée qui est le plus jouissif, c’est d’y aller. C’est là où le rêve est le plus fort (si proche, mais pas encore dedans). C’est là que se fait le rêve de Pérette. On retrouve un peu le vieux mythe de l’ « ailleurs », du « bientôt ».


-     En fait, qu’est-ce que Diane invente, imagine, et qu’est-ce qui correspond vraiment à la réalité ?

Qu’est-ce qui, dans ce film, correspond à la réalité ?
Pour répondre à cette question, encore faudrait-il se mettre d’accord sur ce qu’est La réalité, évidemment.
Dans le synopsis, nous avons défini réelle par : Ce que l’on voit à l’écran, c’est ce que verrait quelqu’un se trouvant à côté de Diane, ou juste derrière les yeux de Diane.
Etrange définition en fait, puisqu’il n’y a justement personne (…à côté de Diane).
Or, si on s’en tient tout de même à cette définition froide, à part Diane faisant du café, il n’y pas grand chose de réel !
Comment ? Vous me dite que toute la deuxième partie est réelle ? Je n’y crois guère. Si on prend par exemple, la séquence où Camilla se fait embrasser par Adam Kesher sur le plateau de tournage…Pensez-vous vraiment que ça s’est passé ainsi ? Réellement ? Avec Camilla qui demande si Diane peut rester sur le plateau ? Moi je pense plutôt à une déformation due à un excès de jalousie (« Elle l’a fait exprès, elle voulait que je la vois, j’en suis sûr »). La scène représente-t-elle alors la vision subjective de Diane, déformant la personnalité de Camilla ? Ou cette scène représente-t-elle la véritable personnalité de Camilla (La Camilla réelle !) sans pour autant que se soit ainsi que les choses se sont effectivement passée (réellement).
Enfin, autre explication possible de la séquence : Camilla et Diane s’aiment vraiment toutes les deux…Cependant, le désir de Camilla de devenir une actrice est plus fort que tout et pour cela, elle doit épouser Kesher. Elle trahit donc Diane et se trahit elle-même. Pour encaisser cette séparation, Camilla rend jalouse Diane (baiser de Camilla avec la « Camilla » du rêve), afin que cette dernière la laisse, la délaisse. Réfléchir sur la réalité de l’amour de Camilla pour Diane est encore plus sulfureux qu’essayer de trouver la raison pour laquelle les américains sont aujourd’hui en Irak (en fait, j’ai compris, on me l’a soufflé : c’est pour couler l’Europe, sachant que pour la première fois, le chiffre d’affaire d’Airbus dépasse celui de Boeing)…Donc on clôt le sujet.
En fait il semblerait que pour voir la réalité des choses, il faille sortir du réelle.
En effet :
    Si la scène s’est passée telle que nous la voyons, qu’est-ce que cela apporte au spectateur ? D’être révolté contre Camilla…Et de ne pas la comprendre…Comment peut-on se conduire ainsi ? Nous enfermons Camilla dans la rubrique « très méchante, voir mauvaise » et elle perd toute humanité. C’est une icône…de la méchanceté. Ainsi le monde est très simple, voir simpliste.
    Si ce que nous voyons est le souvenir que s’en fait Diane. Ce qui devient simple, c’est le sentiment de Diane, son affect : « Là je souffre, là je suis touchée, là je hais ». Le rapport de Diane à ce moment s’est figée dans la simplicité, la pureté que nous ressentons nous-mêmes en voyant cette scène. A ce moment, nous laissons Camilla, Adam Kesher, le plateau de cinéma, Hollywood, tante Ruth et Colin Powell tranquilles. Nous ne présageons rien de la simplicité du monde. Nous sommes à l’opposé du manichéisme. Je considère que le regard de Camilla vers Diane lorsqu’elle embrasse Adam Kesher n’a rien à voir avec Camilla, c’est juste une histoire entre Diane et sa vision du monde. Je le répète, tout ce que l’on sait à ce moment, et tout ce qui nous intéresse, c’est que Diane est profondément blessée…Voilà ce qui est réel.
    Dans la méthode empruntée par Lynch (être dans la tête de…) il y a quelque chose de très humble et ainsi de très réel. Lorsque Diane meurt, lorsque la femme en bleue dira « silencio », que savons-nous de Camilla ? Quasiment rien. Est-ce une bonne actrice ? Aime-t-elle Kesher ? A quelle point est-elle aidée dans sa carrière ? Que savons nous du fonctionnement d’Hollywood ? Rien…Mise à par que « ça sent le gaz », ou le souffre. Il s’y passe des choses sans doute pas clair…Bon. Nous revoilà aux prises avec la réalité : Comment fonctionne « réellement » Hollywood ?
    D’abord, cette question a-t-elle un sens ? On peut dire que oui dans le sens où il y a « réellement » des gens qui tirent les ficelles, « réellement » des décisions qui sont prises, « réellement » des gens qui deviennent des stars, « réellement » de l’argent qui circule et qui appartient « réellement » à certaines personnes et pas à d’autres…Il y a donc tout un système bien concret, bien matériel…On pourrait alors faire un film du style « Le Parrain » mais qui serait sur Hollywood, avec des personnages bien campés, etc, etc, il en existe d’ailleurs beaucoup (Voir « The Player »)… Bon.
    Cependant, n’oublions pas qu’une des caractéristiques très importante du Pouvoir, surtout lorsqu’il est « limite » hors la loi, et encore plus lorsqu’il traite de l’industrie « du rêve », est qu’il ne se montre pas. Il y a toujours un « fond » que l’on ne verra jamais. Donc faire un film réaliste, qui se tient, sur le Pouvoir comme s’il était derrière une vitrine, c’est déjà passer à côté de la moitié du sujet. Un pouvoir totalement transparent n’existe plus. Deleuze, dans son livre sur Kafka, dit que « celui qui décide se trouve toujours dans le bureau d’à côté, jamais dans celui où l’on se trouve ». Si vous m’accordez le fait que les services secrets font intimement parti du pouvoir, j’ai un autre exemple en tête, c’est dans le film « Les patriotes ». Le personnage principale vient de se faire « embaucher »  dans les services secrets israélien (Le Mossad). Il y a une salle pleine de jeunes recrues, et un homme vient faire une petite allocution. Or que dit ce monsieur lors de son premier « cours ». Il dit simplement : « Il y a un mot que vous ne prononcerez plus jamais, que vous ne connaissez déjà plus et que vous ne connaîtrez plus : C’est le mot Mossad »…
Bon, évidemment, c’est les services « secrets », alors, vous me direz : « il faut qu’ils restent secrets ». Mais je pense qu’ici il y a un jeu sur la puissance : « moins on nous connaît vraiment, plus on est puissant ». Et par dessus viennent des rumeurs maîtrisées, des informations trafiquées, pour que l’imagination de l’homme de la rue travaille et…Décuple la puissance réelle du service qui est de servir le Pouvoir, qui est de fortifier le Pouvoir. Je ne m’étend pas sur cette idée qui mériterait sans doute un développement plus important (Peut-on diriger en temps réel ? Une démocratie peut-elle être totalement transparente ? Que devient une action dont on expose tous les rouages ? Peut-on exercer le pouvoir sans manipuler ?…).
    Ce qui m’intéresse plus, c’est l’idée que le pouvoir fonctionne sur la façon dont on le perçoit (évidemment). Ainsi, ce qu’il est, est (bis) bien moins intéressant que la façon dont on pense qu’il est. Et c’est là-dessus qu’il fonctionne et peut se perpétuer.
    Que dit le film sur la façon réelle dont fonctionne Hollywood ? Rien de précis, pas de révélation spectaculaire, pas de prise à partie, pas de condamnation simplistes.
    Alors qu’affirme Mulholland Drive sur Hollywood ? Eh bien, qu’il y a des gens qui entrent en contact avec ce monde et qui en meurt. Et pourquoi en meurent-ils ? Parce qu’ils y voient des choses, ressentent des choses trop dures pour eux. Et que voient-ils ? Ils voient un pouvoir dure et dont ils ne comprennent pas la logique (dire que la logique est celle de l’argent, est-ce la comprendre ?), ils voient l’hypocrisie (le dialogue entre Adam Kesher et l’actrice Carol qui vient de finir son audition, tirade de la pro des castings Lynney James à la sortie de l’audition), la mesquinerie, etc…Et nous revoilà sur le « ça sent le gaz ». On ne sait pas ce qui n’est pas sain, mais on est sûr que ce n’est pas sain.
    Le cow-boy d’un côté et le nain dans son église virtuelle pourraient faire penser au lobby évangéliste et au lobby texan (Ceux qui seraient derrière Bush…D’après une rumeur transportée par la télévision française) qui posséderaient Hollywood et passeraient des contrats (ou se feraient racketter) avec la mafia. Est-ce tel qu’on le voit que les choses se passent ? Non, bien entendu…Mais le fond (et plus précisément : Le Fondement) y est…Donc la réalité ? Derrière un dîner d’affaire, un cocktail, une soirée des oscars (très réels !)…il se passe finalement ce que nous voyons de manière brute et on ne peut plus clair dans le rêve de Diane. Le sous-entendu, pourtant très clair, qui est (j’imagine) une constante dans les communications « au plus haut niveau » est ici pris à contre-pied. Le dialogue disent ici que ce qu’ils disent (La seule métaphore sera « le chariot qui ne permet qu’un seul conducteur » ! ). On se place à l’autre bout, on ne dit que ce dont il s’agit (« Tomorrow, you will say « This is the girl » »). Il faudrait peut-être faire une étude des dialogues dans les films de Lynch et voir qu’il n’y a pas de sens caché. Seulement nous ne sommes pas habitué à une telle clarté dans le langage (« What the photo for ? » demande le naïf Adam Kesher).
Conclusion :
        Le Conscient de Diane a enregistré quoi ? Camilla joue bien et c’est pour ça qu’elle est devenue une star. Durant la soirée chez Adam, il y avait un homme d’origine italienne m’a-t-il semblé…J’ai aussi entr’aperçu un homme habillé en cow-boy.
        Mais l’Inconscient, lui, dit que Camilla n’était pas si bonne que ça lors de l’audition. Quelque chose d’autre a dû jouer pour elle…Et ces gens inconnus qui sont à la soirée ont sans doute des liens avec les décideurs. Si Camilla est ici ce soir, C’est parce que ces gens l’ont bien voulu. C’est même eux qui l’ont purement et simplement décidé. Adam raconte durant la soirée que le juge lui a été favorable. « J’avais envi de lui offrir une Rolls ! » déclame-t-il (Evidemment, cet homme qui n’aime que la « good life », ne peut rien offrir d’autre que des objets). Mais on peut dire aussi que ce juge qui a décidé pour les conditions du divorce d’Adam, n’est qu’un parmi des dizaines d’autres « juges » qui décident pour la vie de Adam. C’est lui l’acteur construit de toutes pièces à qui on donne des accessoires pour le rassurer (voiture, piscine, femme, homme de main (Hank), etc.)
          C’est alors que le Ça reconstitue tout un monde grâce à quelques détails à peine remarqués par le Moi, mais qui ont tout de même touché Diane. Je considère cette reconstruction faite de sentiments et de perceptions, absolument passionnante. SI elle n’est pas la réalité, elle nous guide tout de même fortement dans nos choix. On peut bien entendu se « faire des films », comme on dit (de toute façon, la folie n’est jamais loin dans un film de Lynch…et comme dit Edgar Poe : « La science ne nous pas encore permis de savoir si la folie est, ou non, le sublime de l’intelligence »). Mais ce qui m’intéresse c’est ce « système de traitement et d’interprétation permanent de l’information » qu’est notre inconscient. Toute cette gestation qui commande notre affectif…Je m’aventure dans un terrain difficile, utilisant des termes que je connais très mal. Je veux seulement dire une chose : la façon dont on « lit » le monde est fascinante et, je suppose, extrêmement riche et complexe…Comme la structure de notre cerveau. Dans un regard, dans une intonation, dans un vêtement porté par quelqu’un, dans un temps légèrement plus long que d’habitude, pris entre deux mots prononcés par notre interlocuteur,…nous voyons et ressentons des masses de choses. Et tout ça est non seulement enregistré mais traité, synthétisé…Pour parfois aboutir à des choses très simples : J’aime, je hais, je me sens mal. Pour garder la simplicité, il faut rester sur des durées de quelques secondes…Ces sommets de pureté ne sont pas forcément rares, mais ils sont courts…
Bref,     voilà un monde complexe et divers
        Voilà un esprit qui enregistre et interprète des choses : Y a-t-il création (« songe mensonge » dit-on) ou découverte de la vérité cachée, de celle que l’on ne voit jamais, comme les rouages du pouvoir ?
        Voilà un être humain qui synthétise ces données et les transforme en actions (Diane fait tuer son amie) et en affects (Diane souffre et meurt).


-     Qu’est ce qui  fait « rêver » Diane ?

Je veux dire : Voit-on, à un moment du film, ce qui représente pour Diane-Betty la Vraie gloire, le bout du tunnel, le sommet ? Qu’elle est l’aimant qui fait que tant de jeunes gens vont venir « tenter leur chance à Hollywood » ? Qu’est-ce qui va donner l’énergie pour franchir tous les obstacles séparant Deep River, Ontario de Nicole Kidman ou Rita Hayworth ? Est-ce que ça apparaît, ne serait-ce que pendant quelques secondes, dans ce film dont c’est le sujet principal ? Rappelons que c’est ce qui motive au moins la moitié des protagonistes : Diane, Camilla, Les Castigliani pour « leur fille », l’actrice qui passe l’audition.
Ni l’atmosphère des plateaux de tournages, ni les séquences dans la « superbe baraque » qui correspondent au véritable monde d’Hollywood, ne sont susceptibles de faire rêver qui que se soit.
Peut-on dire alors que le rêve Hollywoodien cumule les deux caractéristiques contradictoires suivantes : C’est une totale abstraction (C’est-à-dire soutenu par rien de tangible, de « réel ») mais il a une puissance redoutable. Tel le héros de « America America » qui durant tout le film s’efforce à tout prix de quitter la Grèce pour New-York : Cinq minutes avant la fin du film, il y parvient enfin et se retrouve…Cireur de chaussures. Cependant, son visage rayonne. On le voit à la tache, extrêmement enthousiaste et s’écriant à tout moment : « Ici, c’est l’Amérique ! ».
La seule image représentant ce que Diane est venue chercher à Hollywood, est-ce simplement son visage éclairé par les projecteurs, au tout début du film, lorsqu’elle a son trophée de « meilleure rockeuse du quartier » et qu’elle est entourée de ses parents ? En fait, peut-être veut-elle juste revivre ce moment…Et ce moment revient…A la toute fin du film…Juste après son suicide. Elle n’est plus alors entourée par ses parents mais Camilla blonde est à ses côtés. Or elle a presque vécue ce moment, lorsqu’elle tient la main de Camilla, remontant un sentier illuminé qui les mènera…Au malheur (souffrance et mort pour toutes les deux).
On peut ici lancer une nouvelle idée sur la « réalité » dans Mulholland Drive : Diane arrive à Hollywood désirant à tout prix quelque chose qui n’existe « presque pas » (Combien de provinciales partant de rien arrivent au sommet de la gloire ?) et que l’on ne voit jamais. Dans son parcours du combattant dirigé vers l’inaccessible, elle rencontre La Réalité : L’amour.
Cet amour n’est pas pur (évidemment !), il est motivé par l’admiration, l’envie, la croyance que Camilla peut représenter un « raccourci » vers le podium…Et pourtant, il y a au fond un véritable sentiment, et même une bombe atomique ! Diane quitte le plateau de tournage prometteur en courant, pour rejoindre Camilla et lui montrer à quel point leur amour est fort et important (En montrant son propre cadavre elle menace de mort Camilla en cas d’infidélité). Voilà donc enfin quelque chose (En l’occurrence quelqu’un) qui existe dans « ce monde de brutes ».
Eh oui ! Rien de plus réel que l’attachement, l’affection, l’amour (Diane-Betty et Camilla-Rita ont dès le début de leur rencontre des gestes tendres et attentionnés l’une pour l’autre) dans la « Société hollywoodienne » qui n’offre que des baisés de vieux beaux ou des tapotements complaisants sur la main venant de quasi-monstres (La mère de Adam Kesher). La chose principale dont rêve Diane, ce n’est pas des applaudissements du public dans une salle comble, mais d’avoir Camilla, rien que pour elle, dans un petit cocon…L’idée des « planches » ne vient que dans un second temps. « Voilà deux jours que je suis arrivée et je n’est même pas encore visité Hollywood », dit-elle à Rita.

-    Dernière hypothèse sortie des tuyaux : Camilla ne connaît pas Diane Seldwyn.

            Pourtant c’est bien Camilla la célébrité que Diane fait assassiner. On garde le scénario clé bleu, etc… Seulement l’idée serait que la seule relation homosexuelle que Diane a eu, c’est avec sa voisine. D’abord ceci expliquerait le rôle encore floue dans mon esprit de cette femme qui s’est fait larguer par Diane depuis trois semaines. Les scènes d’amour on été vécues, mais avec cette femme (et à côté de son cendrier en forme de piano). Le coup du changement d’appartement (de 12 à 17) n’est qu’une déformation du rêve. Il y a sans doute un sens à ces chiffres, mais je n’est encore rien trouvé. On peut postuler que Diane et sa voisine se sont connues lors de l’audition pour le film « L’histoire de Sylvia North » et qu’aucune n’a été retenue. Elle a appris plus tard que c’est Camilla Rhodes qui a eu le rôle.
            La séquence où elle est sur le plateau a peut-être réellement été vécue. J’ajoute donc une dernière petite hypothèse : Adam Kersher aurait couché avec Diane Seldwyn (sell-win « Qui se vend pour gagner ») une ou deux fois (seul indice : il la regarde sur le plateau, dans son rêve). Voyant Adam et Camilla s’embrasser, Diane aurait alors éprouvée plusieurs sentiments : de la haine pour Adam qui peut embrasser une autre femme devant sa « compagne du moment » et de la jalousie pour cette star que représente Camilla. Enfin Adam aurait invité Diane à sa soirée pour lui « permettre de faire quelques connaissances ». En fait c’est pour la remercier des quelques « nuits chaudes passées ensemble » et lui faire comprendre que c’était fini entre eux. Mais Diane follement éprise de Camilla, de sa beauté et de son succès, ne peut la quitter des yeux. Elle décide alors de l’emmener avec elle « dans l’autre monde ». En prononçant la mort pour Camilla, elle sait qu’elle prononce aussi la sienne propre.
-    A quoi sert la séquence des flics au début ?

            Il y a un blond et un brun. Le blond dit des choses. Or toutes les informations qu’ils donnent sont déjà connues par le brun (seul le spectateur n’est pas au courant) et les déductions qu’il en tire (« Someone is missing maybe ») ont déjà été pensé par le brun. Bref, le blond est là, mais il n’apporte absolument rien au Chmilblick.
            Il faudrait répertorier tous les blonds du film, puis tous les bruns, puis tous les roux et voir comment ils s’agencent les uns avec les autres : Qui a le pouvoir, qui à la connaissance (est-ce que les deux reviennent au même ?) à quel moment ?


-    Pourquoi Diane et Brad Pitt (un invité !) se cachent à eux-même la réalité qu’ils ont sous les yeux ?

            Quel rapport y a-t-il entre « Seven » et « Mulholland drive » ? J’en vois au moins un. Il s’agit de l’histoire d’un individu qui se trouve (par sa volonté, celle que les américains (et d’autres…Comme moi par exemple) sacralisent : la volonté qui vient des  tripes et sur laquelle le protagoniste joue le sens qu’il donne à sa vie) donc….(oui, je sais, j’ai la manie des parenthèses) donc, nous disions qu’il s’agit de l’histoire d’un personnage qui se trouve plongé dans un monde qu’il ne maitrise absolument pas, dont il ne discerne aucune des ficelles, et qui, malgré les différents signes et mise en garde qu’il va rencontrer durant son aventure, ne comprendra jamais rien. D’un bout à l’autre du film, il ne lui arrive que des choses qu’il ne maitrise pas et dont il ne comprend pas la cohérence, ni même le rôle (important) que lui-même joue dans cet ensemble mystérieux. Brad Pitt comme Diane Seldwyn paieront de leur vie (ou presque) leur total incompréhension.
            En fait, la plupart des films américains commencent comme Seven ou Mulholland drive. Un individu, une incompréhension sur le monde qui l’entoure (meurtre(s) mystérieux, faits incohérents, accidents, disparitions…) puis, par l’astuce tintinesque, le courage ulysséen, la force herculéenne, la bonté d’âme mièvre, etc…le héros ou les héros sortent de la caverne de Platon et accèdent à une lumière supérieure à celle du système dont ils étaient au départ les jouets.
            Dans les deux films qui nous intéressent ici, ça se passe autrement : Il y a, dès le début, un des personnages qui a tout compris (et qui ne croit pas au changement) et celui qui n’a rien compris (et qui croit dure comme fer à l’action et au changement). Et cette situation reste la même pendant tout le film ! ! Celui qui a la connaissance (Morgan Freeman, Camilla, tous les deux ayant les cheveux sombres) ne parvient en aucune manière à éclairer la lanterne de l’ignorant (Brad Pitt, Diane…Tous les deux blonds). C’est dire le pessimisme qu’il y a dans la capacité des hommes à communiquer entre eux…Comme dit Kevin Spacey (le criminel de Seven) : « Aujourd’hui, pour que le gens entendent, il ne faut plus chuchoter à l’oreille mais taper à grands coups de gourdins. » Il est vrai, en fait, que si Brad Pitt fini par comprendre un peu le message  (le mal est assez bien partagé entre les hommes), c’est bien plutôt Spacey qui le lui fait comprendre.
            Si on revient à Mulholland Drive, Diane n’accédera à aucune compréhension du Hollywood-système, malgré sa relation avec Camilla. Après avoir été confronté à une certaine réalité d’Hollywood (rencontre avec Bob Broker, avec Camilla,…), elle continue tout de même à rêver de réussir parfaitement une audition et ainsi d’accéder en deux ou trois jours à la place de movie-star…C’est dire à quel point son ignorance reste intacte. Ceci apporte de l’eau au moulin de la thèse : « Diane a déliré sa relation avec Camilla ». On peut également dire que même si Camilla fréquente réellement Diane, elle veut à tous prix lui cacher sa souffrance devant les absurdités et injustices de ce « monde du rêve », qu’elle ne supporte que grâce au regard admiratif-adorateur de Diane.
            Donc première idée : Pas d’évolution de la compréhension durant les films, ceux qui l’on, la garde pour eux (Camilla) ou ne parviennent pas à la partager (Morgan Freeman).
            Deuxième idée : Nos deux « ignorants » sont la matière première, la matière indispensable de la mega-machine dont ils semblent être étranger. C’est un peu comme le pouvoir : « Mais où se trouve « vraiment » le pouvoir ? » Partout évidemment, donc également chez celui qui pose cette question. Moi je crois plus au « pouvoir horizontal » qu’à toutes les pyramides que l’on voudra. La pression mise sur les épaules d’un esclave vient surtout des esclaves qui l’entourent (« Tu as vu comment le directeur t’a regardé ? » M’a dit une fois un collègue). Donc « Où est le mal ? » demande Brad Pitt…Non en fait, il est encore plus stupide que ça (c’est pour ça que le film n’est pas un « Très grand film »), il dit : « Je sais où est le mal. Chez les fous et les vendeurs de drogues (qu’il tue sans se souvenir de leur nom). Les autres, c’est des innocents. ». « Ne fais pas cette erreur. » lui serine Freeman en vain.
            « Où est le rêve ? » demande Diane. « Comment devient-on une movie star ? »…Non, en fait, elle (aussi) est encore plus stupide que ça, elle dit :  « Je sais comment on devient movie-star, il suffit de réussir une audition. ». Mais elle ne comprendra jamais que la vrai question c’est : « Comment fait-on une movie star ? », malgré l’exemple de Camilla qu’elle a littéralement sous les yeux (devant ou derrière un écran, suivant les interprétations).
            Pour Brad Pitt, la réponse est : « Le mal il est partout, et aussi dans ta colère ! Il ne faut pas nier sa puissance. Il faut l’amadouer, la calmer, la domestiquer, la cadrer »
            Pour Diane, la réponse est : « C’est avec toi que l’on fait une movie star. Ce qui ne veut pas dire que l’on fait de toi, une movie star. Mais tu es indispensable aux movie-star. Pour que ça marche, il faut que des gens en rêve.
            En fait Hollywood n’est pas un créateur de rêve, c’est un voleur de rêve. On n’a pas besoin de lui pour rêver, c’est lui qui a besoin de nos rêves pour exister. Le problème n’est pas de savoir si on va au cinéma ou bien pour « se cultiver », pour « réfléchir », pour « se prendre la tête » ou bien si on y va pour « rêver ». Le problème est de savoir pour quel type de rêve on va au cinéma. Comme dans Batman III, Hollywood fonctionne à l’énergie psychique de chacun des spectateurs. En fait, le malentendu repose sur le mot « rêve ». Qui a dit que rêver c’était « échapper à la réalité » ? Le dernier rêve dont vous vous souvenez est-il totalement détaché de votre réalité ? Personnellement, mes rêves sont parfois plus proches de la réalité que certaines choses que je vis éveillé. En fait le débat sur les films produits à Hollywood (ils ne sont plus fait là-bas d’ailleurs, ça aussi c’est déjà un rêve, bientôt il n’y aura plus là-bas que quelques néons WB et touhaineticéneturifoks, c’est-à-dire le rêve du rêve) donc, je trouve que le mot rêve n’est pas adapté pour différencier les films les uns des autres, pour la simple raison que tout film est un rêve…Le cinéma dans son ensemble est du rêve (Même Ken Loach ou Sokourov). C’est du noir, et puis des images…J’ai entendu hier à la radio, un réalisateur disant : on peut plancher pour analyser certains films, plan par plan, mais là on est plus dans le cinéma, c’est autre chose. Le cinéma, c’est que devant l’écran.
            Si on met donc le mot rêve de côté, on peut néanmoins garder l’expression « détaché de la réalité » ou « échapper à la réalité ». On entend souvent ce type de critique : « Les gens vont voir ces films pour oublier un peu leur vie quotidienne et ceci leur permet de mieux la supporter. » donc à continuer ainsi, c’est l’idée de l’opium du peuple : « Passez une soirée avec Frodon ou Harry Potter » et continuez à faire vos 90 minutes de trains de banlieue tous les matins » (A rêve je préfère, dans ces conditions, le terme entertainment, divertissement).
            Pourtant, je n’aime pas trop cette idée simpliste. Car si on la suit jusqu’au bout, alors des films comme Seven ou Matrix devraient provoquer une « désaliénation » généralisée. « Oui ! Nous sommes trompés ! Nous vivons comme des robots et même pire : comme des esclaves de robots »…Et comment expliquer que les américains veuillent encore (et plus que jamais ?) éradiquer le mal de la terre après avoir produit un Blockbuster best-seer comme Seven ?
            Je vais donc, à nouveau renverser le lien de causalité : De la même façon que Hollywood ne créé pas de rêves mais se nourrit de nos rêves (rêves implique Hollywood), nous avons aussi : Le cinéma ne porte pas en lui de quoi échapper à la réalité mais, pour aller au cinéma et pour le « gober sans coup férir », il faut que nous entrions dans la salle en pensant échapper à la réalité. Ce n’est pas « le seigneur des anneaux » qui pose problème et « aveugle » les spectateurs, c’est juste le mot entertainment qui se trouve à la fin du générique de fin (ou dans le logo de la production). Tolkien, professeur et chercheur en philologie, publie un livre sur le grand poème anglo-saxon Beowulf, ainsi que sur une branche anglo-saxonne du cycle du roi Arthur. Je crois que ces histoires hantent nos rêves, sont omniprésentes dans notre civilisation d’aujourd’hui, c’est-à-dire au niveau social (façon de concevoir et de vivre la société) comme au niveau inconscient (nos rêves de natures pures, de voyages, de monstres mélangés à la préhistoire, de feu sous nos pieds, de fin du monde…Voilà ce qui hante nos rêves et influe sur notre vie). Il ne s’agit ici d’échapper à aucune réalité mais d’être dans ce qui fait aussi parti de notre réalité psychologique comme physique (le corps, la monstruosité, la blessure, la souffrance,…). C’est ainsi que je ne crois pas à la séparation des deux (réalité intérieure et réalité extérieure) : Il y a le réel. Et si Mulholland Drive ne fait pas de distinction, Frodon et son anneau n’en font pas plus (est-ce le monde qui souffre ou Frodon ? Ou Aragorn ? Ou Camilla ? Ou Diane ? Ou le monde d’Hollywood ? Ces questions n’ont pas de sens. La souffrance ne s’arrête pas toujours à la peau. Si j’ai souffert physiquement en coulant des dalles de béton à vitesse grand V, c’était  aussi dû à la souffrance des travailleurs forcenés (depuis parfois trente cinq ans) à mes côtés, plus la vision de cette matière si difficile à casser dont on va avoir le plus grand mal à se débarrasser plus tard et qui limite les possibilités de modification (« Ah oui, tu peux toujours agrandir ta fenêtre de dix centimètres, il suffit d’aller chercher un compresseur à Grenoble »). Bon…J’ai un peu dérivé…De toute façon, n’oubliez pas deux choses si vous allez au cinéma ce soir : Vous verrez un truc qui n’aura qu’un rapport lointain avec votre vie et qui va remplir votre esprit qui est pratiquement vide, c’est bien connu !
            Mais le cinéma, ce n’est jamais une image de la réalité, c’est la réalité (à développer plus tard).


-    Etudier le rôle du café

Les différentes apparitions sont :
            → Le capuccino lors de l’entrevue avec les frères Castigliani : Il n’est pas accepté, recraché. Même si c’est le meilleur du monde
            → Le café servi à Betty et Rita ( ?) au Winkies
            → Le café refusé par Betty lors de son audition
            → Le café que Diane se fait chez elle (et qui est transformé en whisky)
            → Le café pris par Diane lors de la soirée chez Adams
            → Le café qui est servi à Diane et au blond (qui le refuse)


-    Schizophrénie

    « Lorsque Marion Crane s’effondra lentement sur les carreaux lisses et blancs de la salle de bains de son motel, l’Amérique, abasourdie, n’en crut pas ses yeux. Quarante-six minutes seulement étaient passées, et l’héroïne était morte. » Cette phrase est tirée d’une brochure accompagnant le DVD de « Psychose » de Hitchcock.
De même, Mulholland Drive et Lost Highway sont violemment tranchée en deux à entre 30 minutes et une heure du début du film. Les protagonistes changent soudain, ou changent de nom, tout comme le cerveau « schysé » du malade.


J’ai d’autres questions à proposer pour ceux que ça intéresse :

-    Qui est cette femme qui joue Camilla dans le rêve de Diane et qui embrasse Camilla devant Diane ?
-    Quelle interprétation donner à tous les chiffres (en fait surtout des adresses, N° de maisons ou d’appartements) donnés dans le film ? (rep : pour cela, il faut remonter à Eraserhead et noter patiemment tous les N° rencontrés dans les films de Lynch)
-    Quel est en réalité cet appartement dans lequel se trouve Diane dans son rêve ? (rép. : Aucune)
-    Qui sont ceux qui se téléphonent dans la séquence du début ?
-    Symbolique du Capuccino ?        
-    Mais pourquoi les individus se laissent prendre dans de telles machines infernales ?





    Et des idées à revoir :

-    Il y a aussi une histoire de monter et descendre (sachant que la mort est en bas (l’homme qui descend, sous la société, derrière le Winkies), le haut des immeubles, le « carrefour » de Mulholland Drive.
-    L’admiration pour une star dû à la peur du face-à-face avec l’ « autre ». Les groupies veulent prendre les avantages de la relation avec l’autre, sans les inconvénients.
-    Camilla « Roads » ?
-    Commencer une carrière à Hollywood, c’est préparer son enterrement (l’aboutissement, c’est la limousine-corbillard dans la nuit). Diane s’occupe de Rita-Camilla et lui prépare son enterrement (disparition dans la boite) tout comme le système Hollywood lui à préparer le sien (se retrouve dans le limousine qui l’emmène à l’horrible soirée où elle décidera de la mort de Camilla et de la sienne.
-    Dans « scènes de la vie conjugale », le couple n’en finit pas de se séparer. Un matin, Liv Ullman et son mari dorment encore, la première image que nous voyons figure leur mains jointes, comme au réveil de Camilla pendant la nuit (Silencio).
-    Dans la « double énigme », il y a, durant la nuit, un grand flash, comme dans Lost Highway, lorsque le couple rentre à la maison, juste après la soirée.
-    On retrouve l’idée du pacte avec le diable développée dans « Phantom of the Paradise ».

    

        



            Conclusion :
        Des dizaines de questions encore en suspend et peut-être une centaine de remarques et interprétations sur ce film fabuleux, et comme le dit Morgan Freeman dans « Seven », lorsqu’il parle de son enquête sur la série de meurtres reprenant les sept péchés capitaux :
    « On recueille les morceaux. On recueille les indices, on prend les photos, les échantillons. On inscrit tout, on note l’heure des événements. On empile tout ça méticuleusement et on le classe pour le cas improbable où un tribunal en aurait besoin. On ramasse des diamants sur une île déserte et on les garde, au cas où l’on viendrait nous sauver.
    Les indices les plus prometteurs mènent à d’autres indices. ».

Puis il fini avec une phrase qui va bien également avec Mulholland drive (film dédié à une femme morte jeune !) :
« Tant de cadavres retournent au néant sans être vengés »
Bémol : Cette phrase est un peu en décalage avec le discours de Seven qui est plutôt enclin à dénoncer les ravages de la vengeance (une des formes du mimétisme).


            Remerciements à la fripouille pour ses nombreuses idées riches de conséquences et sa relecture patiente et assidue.
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